Des ateliers philo en école primaire ou comment penser et voir le monde à hauteur d’enfant.
Le mythe de la caverne de Platon, le « je pense donc je suis » de Descartes ou encore le pari de Pascal, et vous c’est quoi vos souvenirs de philo ?
Souvent redoutée par les élèves de terminale, qui angoissent à l’idée de passer au bac l’épreuve d’une discipline qu’ils viennent seulement de découvrir, l'éveil à la philosophie reste encore très marginal dans les écoles, souffrant certainement d’une image trop complexe et abstraite pour les cerveaux des plus petits, elle est aussi souvent perçue par les professeurs comme une discipline exigeante, nécessitant un solide bagage de connaissances théoriques. Pourtant, si philosopher c’est savoir manier des concepts et des raisonnements d’illustres penseurs, c’est d’abord et avant tout l’art et la manière de (se) poser des questions.
Et s’il y en a bien qui savent poser des questions à tout bout de champ, c'est justement les enfants !
Dès 1999, un rapport de l’UNESCO préconisait la pratique philosophique comme méthode éducative en milieu scolaire : en vue de la promotion d’une culture de la paix, de la lutte contre la violence, d’une éducation visant l’éradication de la pauvreté et le développement durable, le fait que les enfants acquièrent très jeunes l’esprit critique, l’autonomie à la réflexion et le jugement par eux-mêmes, les assure contre la manipulation de tous ordres et les prépare à prendre en main leur propre destin.
Avec sa création « Ça me fait penser », la compagnie CHanTier21THéâTre s’est justement emparée de ce principe qu’il n’y a pas d’âge pour commencer à philosopher. Présenté au Cube en décembre 2023 pour 4 représentations scolaires et une tout public, le spectacle met en scène les récits de héros et héroïnes mythologiques en réponses à des questions philosophiques posées au public et sorties au hasard d’une roue installée dans le décor : « c’est quoi l’amour ? », « c’est quoi la liberté ? », « à quoi ça sert l’art ? » ou encore « c’est quoi la différence ? ». Autant de questions auxquelles les 500 élèves spectateurs ont pu commencer à répondre pendant les représentations et qui ont aussi permis d’ouvrir des discussions en classe.
Afin de prolonger l’expérience du spectacle, les metteurs en scène Antonin Ménard et Marie Bernard ont ainsi été conviés par le Cube à animer des ateliers philo auprès de la classe de CE2-CM1 de l’école Sainte-Marie de Luc-sur mer et de la classe de CM1 de l’école Cours Notre-Dame de Douvres-la-Délivrande. Entre le 8 janvier et le 9 février, chaque classe a donc bénéficié de 10h de pratique avec les artistes (5 ateliers de 2h) au sein des deux établissements scolaires. Séance après séance, les élèves ont pu s’initier à la philosophie autour de thèmes variés, toujours tirés au sort comme dans le spectacle. Respectant un protocole précis (rituel de la bougie allumée en début de séance pour marquer la concentration, rappel des consignes, partage de la parole), les artistes ont su guider les élèves et les accompagner au cours des discussions. Apprendre à philosopher c’est apprendre à définir des concepts, à penser en dehors de sa propre expérience personnelle pour chercher à comprendre ce qui est commun à notre humanité, autrement dit s’habituer à dire « on » plutôt que « je ». Essayer davantage de s’écouter les uns les autres donc et de faire preuve d’empathie. S’habituer enfin à remplacer les réponses courtes et fermées par des réponses construites et argumentées. Un exercice dans lequel ces jeunes enfants vont se révéler particulièrement à l’aise et qui va permettre de développer leur esprit critique et leur maîtrise du discours oral. Le résultat de ces échanges a d’ailleurs fait l’objet d’un enregistrement audio grâce à la complicité d’Emmanuel Lebrun, créateur sonore de la compagnie, également présent sur les ateliers.
Par petit groupe de quatre ou cinq, les élèves ont été invités à échanger entre eux dans un petit studio radio recréé spécialement dans l’école. D’abord impressionnés pas les micros, ils ont rapidement gagné en confiance, toujours accompagnés par les regards bienveillants et les relances des artistes. Au total, 13 échanges (un par groupe sur une question philosophique différente) ont été enregistrés puis montés. Et on ne peut que vous inviter à prendre le temps de les écouter attentivement tant chacune des ces pastilles sonores nous fait du bien aux oreilles. D’une grande fraicheur et spontanéité, ces paroles d’enfants sur des sujets de conversation trop souvent laissés aux adultes (le bonheur, le langage, la peur, la beauté) sont sources d’inspiration : parfois drôles, parfois touchants, les propos des enfants sont souvent d’une grande profondeur malgré la naïveté de leurs formules.
Alors, et si maintenant, c’est nous qui posions des questions aux enfants ?
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