Master-class avec Amel Brahim Djelloul : reconnecter la voix au corps
Master-class : terme anglais signifiant littéralement « classe donnée par un maître ». Autrement dit, des cours de perfectionnement donnés par un professeur ou un artiste reconnu à des élèves possédant déjà un certain niveau de maîtrise d’un art. Dans la musique classique, les master class se donnent traditionnellement de manière individuelle afin que les élèves bénéficient d’un accompagnement personnel et individualisé. C’est d’ailleurs ce que fait régulièrement Amel Brahim Djelloul, grande soprano française qui sillonne le monde entier pour se produire sur les plus grandes scènes internationales. Mais au Cube, on aime bien bousculer les traditions et c’est donc une master class collective que l’artiste lyrique a été invitée à donner le lundi 18 mars 2024 à destination du chœur de chambre de l’école de musique intercommunale.
Il est 19h quand les premiers élèves arrivent dans le hall du Cube. A peine le temps de se servir un verre au bar que leur cheffe de chœur, Méri Mouradian, les invite à entrer dans la salle de spectacle. Sur le plateau : le piano qui servira au concert le lendemain et un pupitre. Rien de plus. Méri entame un échauffement vocal avec les choristes puis enchaîne avec les trois morceaux préparés en amont : Vivons mignarde de Reynaldo Hahn, La pavane de Maurice Ravel et Baïlero de Joseph Canteloube.
Dans la salle, des chanteurs et chanteuses de la chorale Voici Voix La viennent assister au cours, sans trop vraiment savoir à quoi s’attendre. Au premier rang, dans la pénombre, la silhouette d’Amel Brahim Djelloul est à peine visible. Discrète, elle se contente dans un premier temps d’observer le chœur de chambre guidé par Méri et accompagné par Catherine Gouillard au piano. A la fin des trois morceaux, applaudis par l’audience, Méri présente Amel au groupe et lui propose d’intervenir à tout moment. Le signe subtil d’un passage de relai entre les deux femmes. Pourtant la soprano ne rebondit pas directement sur ce qu’elle vient d’entendre. A la place, elle propose rapidement aux élèves quelques exercices de technique vocale pour « retrouver l’ancrage de son corps ». C’est en chaussettes et sur des tapis de yoga que la première partie de cette master class va donc se dérouler. Peu habitués à ce genre de propositions, les choristes vont pourtant se laisser aller et se prendre au jeu : se concentrer sur sa respiration, solliciter les muscles de sa ceinture abdominale, travailler son souffle en contrôlant inspirations et expirations... Non nous ne sommes pas dans un cours de sophrologie ou de Qi gong mais bien dans un cours de chant ! Aussi suprenant que cela puisse paraître, Amel convoque chez les choristes l’essence même de la pratique vocale : comment utiliser son propre corps comme un instrument, apprendre à le connaître pour mieux le maîtriser, ne pas intellectualiser le chant mais l’envisager avant tout comme une matière organique qui doit être connectée aux autres. Les pieds bien ancrés dans le sol et les corps libérés de toutes les tensions, Amel propose ensuite aux élèves de chanter en marchant puis de chanter par deux dos à dos. Des rires éclatent souvent pendant ces exercices atypiques réalisés sous le regard amusé mais bienveillant de leur professeure.
Après une courte pause, on reprend les partitions et une organisation plus classique du chœur, en demi-cercle et par pupitres (sopranos, altos, ténors, basses). Mais là encore il faudra attendre pour chanter puisque Amel leur fait réciter le texte de Ravel, sans mélodie, et un doigt dans la bouche : « vous n’avez pas besoin d’ouvrir grand la bouche pour chanter ». La fin du cours approche et le chœur reprend finalement tous ensemble le morceau. Le public applaudit et Amel félicite chaleureusement les élèves. Les effets sont là : « notre voix est plus puissante » dit une choriste, « je n’avais jamais réussi à faire cette note là ! » complète une autre. « C’est un cadeau qu’on nous a fait là » résume une dernière à la sortie du concert le lendemain soir. Sur la base du formidable travail que leur professeure accomplit tout au long de l’année avec eux, les élèves ont, en seulement 2h30, pu mettre en pratique quelques précieux conseils pour améliorer la qualité de leur voix et leur écoute des autres. Une réussite unanime donc pour les choristes, comme pour l’artiste, pour qui cette formule de transmission en collectif, et non en individuel, était une première. Comme quoi bousculer les traditions, ça a parfois du bon !
Commentaires (0)
Déposer un commentaire